Le marcheur vagabonde encore...

Il y a une faible lueur derrière les arbres. Elle s'efface sous mes yeux puis plus rien. Je ne retrouve pas le chemin pour aller vers le Béant Noir. J'ai peur de ce vide qui m'entoure. Je ne vois rien, je ne sens rien, je n'entends rien. J'ai froid.

Privé de mes sens, je me sens si fragile que je ne peux m'orienter. J'ai rencontré les entités des grottes, des textures, des fleurs et des arbres. Mais ici, je ne reconnais rien, je ressens juste une vibration ; c'est à ce moment-là que quelque chose se matérialise devant moi.

Surgissent alors dans le noir des formes indistinctes qui, peu à peu, laissent place à une présence bien plus visible : une entité. C'est une pupille noire qui siège au centre d'une végétation chaotique. Le marcheur et l'entité ne cessent de se fixer.

L'entité s'adresse au marcheur. 

Marcheur ! Le Béant Noir m'autorise à te montrer mon domaine, celui des amas d'étoiles, des nébuleuses, des galaxies, des milliards de mondes. Contemple l'univers qui t'entoure et prends conscience de cette ​étendue où naissent et meurent des astres aux multiples visages. Plonge ton regard dans ma pupille. 

Le marcheur peine à répondre.

Cette entité est plus majestueuse que les autres. Elle provoque en moi une sorte de révélation et me somme d'aller encore plus loin dans l'exploration de cette nature sublime. 

Le marcheur regarde la pupille de l'entité. Il est alors projeté au milieu du cosmos. 

Le marcheur flotte dans le cosmos. 

L’intensité du silence me happe.

La splendeur de ce qui se matérialise sous mes yeux est remarquable. Je me sens si petit, si minuscule dans ce domaine si vaste. J'appartiens à ce tout. Pas un instant je n'aurais imaginé qu'il existait un tel chaos au-dessus de ma tête. Maintenant que je le contemple, mon esprit s'apaise et s'embellit. La nature est bien plus vaste que la planète bleue.

Mais, mon existence a-t-elle vraiment un sens dans ce désordre où tourbillonnent des astres et des mondes ? 

L'esprit du marcheur, dans le paysage cosmique, touche au sublime. Le marcheur devient fœtus. 

Les mots me manquent pour décrire ce que je ressens vraiment ici. C'est de l'ordre de la révélation. J'ouvre mon corps et mon âme à cette nature abondante et vivifiante. J'éprouve un sentiment intense de plénitude. Les fibres de mon corps vibrent et se transforment. Me voilà métamorphosé en poussières d'étoile, capable de voir des choses qui m'étaient auparavant imperceptibles.

J'appartiens aux arbres, aux fleurs, aux grottes. Je comprends enfin ce que représente la nature : une grande vitalité qui m'entoure, qui évolue, naît, meurt et renaît. Elle est belle, sauvage, inquiétante, majestueuse, fascinante, fragile et dense. La nature est maintenant présente en moi. Peu à peu, je retrouve le chemin du Béant noir.

L'esprit du marcheur ​réintègre son corps. Il se trouve maintenant au cœur du Béant Noir. Il ouvre les yeux. 

Le marcheur se trouve maintenant au cœur du Béant noir. Il ouvre les yeux. 

Plus rien ne s'oppose à ce que je regagne la terre pour m'inhumer. Ce voyage au cœur de la nature m'a offert une nouvelle vitalité, je sens néanmoins que je dois mourir car c'est la fin de ma vie. Je ne suis pas immortel à l'instar de ces espaces naturels qui m'entourent. Quel regret de ne pas pouvoir en explorer davantage.  

Je dois maintenant rejoindre la terre. Celle qui m'a accueilli, nourri, fait respirer, et qui vient de m'offrir un émerveillement.

Que lui ai-je offert durant toute ma vie ? Rien.

Nature, je t'offre aujourd'hui ma dépouille.